Prendre vie, c’est être confronté, inévitablement, aux épreuves qui accompagnent le voyage du corps à travers le temps, sans perdre le fil de la joie (ânanda) qui, pour la sagesse indienne, est la nature même de l’Être (sat) et de sa Conscience (cit).

Prendre vie, c’est apprendre les mille nuances de l’existence, pour y prendre pleine part, en comprendre le sens ultime et dès lors, progressivement, pouvoir s’en déprendre, s’en rendre indépendant. Puisque, aussi bien, un jour ou l’autre, nous rendons notre corps, ce prêt divin sans lequel l’aventure terrestre n’aurait pas lieu.

À ce corps véritable, qui nous permet de naviguer sur les hautes mers de l’existence et de tenir le cap à travers vents et marées, à ce corps il nous faut donner toutes ses chances.

C’est là, l’enseignement même du yoga. Ce qu’il nous révèle, par les voies les plus diverses, c’est la sagesse du corps. Prélude incontournable à la sagesse de l’Être.

C’est un voyage lent certes, car la pesanteur habite notre corps, de même qu’elle leste toute matière. Et l’indispensable allègement ne va pas sans un lâcher-prise, devant lequel notre ego renâcle et se cabre comme un cheval face à l’obstacle. Les obstacles, justement, sont là pour tester notre capacité à nous arracher à la pesanteur.

À bondir. À rebondir. À garder intact en nous le secret de l’élan et le courage de l’inscrire dans la réalité de notre existence profonde.

François ROUX – Les Carnets du Yoga, Février 2014