Vivre son corps, comme un instrument de musique, avec la nécessité de faire résonner l’Être qu’il y a en nous, de faire nos games dans une immobilité vibrante.

Il y a dans le corps, une sensation aussi fugitive que l’éclair qui nous met debout, tendue ou frémissante comme l’est la corde du violon, dans sa fulgurante éminence. Ce corps est l’oeuvre d’un grand luthier qui aspire à la caresse de l’archet, de même que tout ce qui vit, aspire à la caresse du Créateur.

La mémoire du corps est la plus profonde, car elle accueille tout, de toute son âme. « Tout ce qui m’a touché, tout ce que j’ai touché, frôlé, caressé, tout est dans la mémoire de mes cellules ».

Le corps reçoit de manière indélébile toutes ces mémoires accumulées, recouvertes et qui, cachées dans les strates de l’existence, empêchent la vibration, la musicalité de mon corps, de s’exprimer. Mais dans un corps réconcilié avec ses blessures, la peur ne verrouille plus les espaces, le ton le porte au bout de chaque vibration.

Et il y a une force unique qui mène le jeu. « L’inspiration, le souffle, l’Éros ». Et cette force, mesure et décide à chaque instant, de l’emplacement où l’archet va se poser, de l’endroit où il va frôler la corde. Il s’élance, la chevauche et l’amplifie.

D’une délicatesse infinie ou d’une ardente brûlante, à chaque instant tout se décide à nouveau. Le souffle chevauche la vague des sons qui l’a précédé, dans une vibration incomparable, entre tension et détente.

Tantôt je pose l’archet, je décide de la hauteur du son, tantôt je suis emportée par l’inspiration, je suis à l’écoute, mais en même temps je perçois, je suis conscient soudain que celui qui écoute, n’est rien d’autre que moi-même, que cette musique qui retentit du fond de mes entrailles, n’est rien d’autre que le mystère de mon incarnation.

Et je décide d’aller à sa rencontre. Ce souffle est le chemin dans lequel je me baigne sans le savoir depuis toujours, jusqu’au dernier seuil de délivrance et de libération.

Extrait du livre de Christiane Singer : Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?